Lesnanas_sur_un_fil "Le Grand Atelier"

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Lesnanas Surunfil

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Je suis Nana, une artiste autodidacte installée dans les Yvelines. Je mêle le dessin et l’écriture pour créer des images narratives. Mes personnages, les « Fifilles », sont des figures féminines poétiques, souvent accompagnées de textes visibles ou accessibles via un QR code. J’expose là où l’art peut rencontrer 
les regards : dans une galerie, un café, une boutique, un restaurant… 

QR Code
À travers chaque œuvre, j’invite à une pause, un moment d’émotion, entre douceur et imagination.
  1. Je suis le trait de tes doigts, la forme de ton paradis. Ton imagination m’a étendue sur une toile de peinture. Dans le grand atelier, j’étais partout dans ton décor, suspendue aux poils du pinceau baignant gaiement dans les tubes de couleur. J’envahissais amoureusement tes pensées, tu me rêvais, je voulais vivre, nous posséder.
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  3. Une nuit, tu as fabriqué avec fièvre et bonheur mon corps. Je suis une grande sculpture en bois de hêtre, éclairée par des yeux cernés de bleu. Je n’ai pas de bouche, mais à quoi bon me donner un sourire puisque notre langage passe par un ailleurs ? Mes formes généreuses se sont régalées de tes mains d’artiste génial. Enfin, j’étais créée, être ton œuvre, la plus parlante de toutes, je l’espérais.
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  5. Mais un jour, ce bonheur si parfait vacilla. Tu as accroché une image dans le grand atelier : la photo de la Petite Danseuse de quatorze ans d’Edgar Degas. Cette sculpture de bronze était conservée à Paris, au musée d’Orsay, et protégée dans une cage de verre. Tu restais là, à l’observer durant des heures. Lorsque j’ai croisé son regard, qui m’a bouleversée, j’ai senti en moi un désir incontrôlable de la connaître. Longtemps, j’ai scruté les moindres détails de sa physionomie, ne me lassant pas de la contempler. Je pensais naïvement que tu ne l’avais pas affichée là par hasard. Cette petite, avec son air farouche, nous attendait, c’était sûr.
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  7. Comme nous l’avions, toi autant que moi, choisie pour amie, je décidai de voler au secours de notre danseuse pour la ramener avec moi dans notre charmante tanière. J’organisai dès lors, un peu hâtivement j’en conviens, mon voyage. Lire une carte routière fut un casse-tête sans nom, et j’échouai lamentablement.
  8. Qu’importe ! Je décidai de partir pour cette aventure en te laissant un simple mot… Je reviens. Je ne voulais pas t’en dire davantage puisque je comptais te faire cette merveilleuse surprise.
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  10. J’entrepris mon incroyable périple avec la patinette à roues carrées comme unique moyen de locomotion. C’était ta dernière œuvre, un engin étrange et déroutant, il est vrai, coloré comme moi, de couleurs chatoyantes. Elle n’avait pas l’air vraiment pratique, mais de toute évidence, tu n’imaginais pas que je m’en servirais. À l’aurore d’un jour d’automne, toute de ciel vêtue, je montai avec insouciance sur la machine, mes grands yeux brillants comme des phares, le sourire affiché dans le cœur, cheveux figés au vent.
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  12. Mais j’avançais à une allure bien trop faible, même si je ne me lassais pas d’admirer le paysage jusqu’au moindre détail. Devant l’extrême difficulté à progresser malgré tous mes efforts, je pris l’initiative de raboter les roues de ma fantastique trottinette avec un gros caillou. L’affaire était physique, mais je réussis tout de même à transformer mes roues carrées en octogones. Je passai donc fièrement, je l’avoue, de 2 à 10 km/h. En plus d’être superbe, j’étais intelligente.
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  14. Cependant, une question me taraudait, car, sur la carte routière, Paris semblait toucher le grand atelier. J’examinai alors avec méthode et concentration ma carte et découvris avec stupeur l’étendue de mon ignorance. La réalité était bien cruelle : la distance était beaucoup plus grande que dans mes calculs, et le musée bien plus loin que prévu.
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  16. Les nuits défilèrent, la saison aussi. L’air agréable de l’automne laissa place au vent glacial de l’hiver, raidissant tout mon bois. Plus j’avançais, plus mon état devenait préoccupant ; mes couleurs naguère éclatantes se délavaient. Je me fendillai de toutes parts et, comble de l’horreur, je perdis mon sac à main, élément indispensable à mon hêtre. Je ne pouvais plus, dès lors, me refaire une beauté et craignais que tu me retrouves affreuse et décoiffée. Je continuai néanmoins ma route sur ma patinette à roues octogonales, dans le vent, la neige et la solitude. La nuit, je prenais le chemin du sommeil, mon esprit rejoignant toujours ton charmant souvenir malgré les averses qui détrempaient mon corps. Le même rêve me hantait chaque fois… Il neigeait, les flocons avaient la légèreté de notre amour. Dans le ciel se dessinait une fleur ; chaque rayon de ce soleil d’hiver se transformait en pétale. Tu devenais la fleur et les limbes étaient nos pleurs. Je fis ce songe durant tout le voyage.
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  18. Puis, un soir, enfin, j’aperçus le musée. Je pleurai de joie, et l’eau de mes yeux finit de me délaver totalement. Tant pis si je n’étais plus tout à fait belle, notre amie saurait reconnaître mon âme bienveillante.
  19. Je scrutai minutieusement la façade du bâtiment et entrepris alors mon ascension par la gouttière, telle une acrobate du dimanche, en oubliant mon manque de souplesse. Je me râpai tout le corps en serrant les dents… que je n’avais pas. Je me faufilai ensuite tant bien que mal dans les couloirs du musée pour atteindre la dulcinée.
  20. Et je la vis enfin. Mon étoile était encore plus extraordinaire que dans mes rêves, plus touchante encore. La fougue s’empara aussitôt de moi, et je voulus la libérer sur-le-champ. Je me jetai, sans sommation, sur sa cage de verre, mais je cassai instantanément ma jambe gauche. La cage eut raison de mon ardeur… J’étais K.O. Ma troublante danseuse fit un pas de deux et se colla à la vitre. Elle me questionna de sa voix envoûtante sur les raisons d’un tel geste. Ce n’était pas une question idiote, bien que la réponse fût évidente.
  21. Je tentai de lui parler avec mes yeux, ô combien joyeux, en dessinant au sol nos futurs projets. Je traçai sa nouvelle maison, le grand atelier. Je fus peu convaincante, car son regard était perplexe.
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  23. Ma délicieuse ballerine ouvrit alors, devant mon air ahuri, la porte de sa cage. Elle avait donc la clé ? Stupeur, tremblements, anéantissement de tout mon hêtre.
  24. Cette dernière disparut aussitôt en ramassant ma petite jambe cassée, puis revint armée d’un marteau. Je t’appelai alors au secours, toi, mon créateur, mon divin… en vain. L’opération se fit dans des conditions rudimentaires puisqu’elle m’assomma brutalement avec l’outil pour clouer sans ménagement ma jambe à ma hanche.
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  26. Lorsque je me réveillai, cette dernière ne m’était plus aussi sympathique, voire franchement antipathique. Les coups avaient littéralement écrasé ma tête sur un côté. Je constatai avec effroi que de gros clous dépassaient de ma jambe naguère replète et découvris qu’elle était bien plus courte que l’autre. Je la remerciai malgré tout en boitant jusqu’à elle, lui expliquant les modalités de notre départ, devant ses yeux ébahis.
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  28. Elle me parla d’une voix douce, l’air légèrement hautain, pour m’annoncer sans préambule que personne ne lui ferait quitter sa demeure. Sa réponse me poignarda le cœur, moi qui avais lutté contre vents et marées sur une patinette à roues carrées. Je feignis une totale désinvolture en l’abandonnant à son sort de statue mal aimée. En effet, je ne pouvais imaginer un amour plus fort que le nôtre. Je la remerciai pour ma patte réparée, puis lui tournai le dos en mimant mon départ.
  29. — De rien, j’ai l’habitude, lâcha-t-elle.
  30. Sa réponse me tétanisa.
  31. — Je suis une œuvre exceptionnelle, n’est-ce pas ? Tellement décriée à ma naissance, mais tant aimée aujourd’hui.
  32. Elle soupira avec un visage empreint de satisfaction.
  33. — Je suis incomparable, si singulière, unique…
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  35. Elle avait l’air de se prendre pour la Joconde. La danseuse avait donc sa cour, nous n’étions donc pas les seuls à la vouloir pour amie ?
  36. J’étais troublée. Car moi, qui m’avait vue, à part mon créateur ? La réponse était : personne. Donc tout le monde, puisque tu es tout. Tout étant l’univers, le mien. Réponse satisfaisante. Grand sourire intérieur.
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  38. Devant son refus d’une vie rêvée et remplie de nous, je décidai donc de te rejoindre dès cet instant, en laissant cette misérable arrogante. Je saurais t’expliquer les raisons de son refus. Méritait-elle seulement notre amour ?
  39. Je repartis sur mon engin, phares presque éteints, à toute vitesse, enfin, à mon allure. Et le retour s’avéra encore plus pénible que l’aller, considérant les séquelles dont mon corps était couvert. Je parvins tant bien que mal à revenir jusqu’à toi, patinette à la main, les roues et le corps usés.
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  41. Beaucoup de lunes plus tard, je réapparus dans ton décor, épuisée et toute abîmée d’illusions. Je ressentais le besoin poignant de te contempler, de me serrer contre tes mains aimantes, naguère si rassurantes.
  42. Je grimpai péniblement à la fenêtre pour t’admirer amoureusement, mais mes yeux se remplirent aussitôt d’une eau acide et froide qui brûla mes joues. Mon regard devint vide de sens, et mes doigts se crispèrent au rebord de ce gouffre.
  43. Le comble de l’horreur était face à moi :
  44. J’avais été… clonée.
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  46. Qui suis-je pour vouloir être unique ?
  47. Aucune autre ne sera jamais moi.
  48. Je suis moi, mon corps à toi.
  49. Dis, pourquoi cet autre moi dans le grand atelier ?
  50. Mais dans mon cœur, il n’y aura jamais d’autre toi.
  51. Jamais qu’un toi, qu’un toit… mon sublime toi.
  52. Jamais que toi, moi, que moi, que toi.
  53. Alors, pourquoi cet autre moi dans le grand atelier ?
  54.  
  55. Un soir, peut-être dans un rêve, tu revins,
  56. Façonner l’amour que tu m’avais promis,
  57. Réparer de tes mains douces de caresses
  58. Le corps que je n’avais plus.
  59.  
  60. J’étais restée là, à t’attendre dans la nuit,
  61. Sagement assise au milieu d’un grand vide,
  62. Accrochée à ce rêve.
  63.  
  64. Je me consumai peu à peu d’amour mort.
  65. Le vent violent emporta le reste de mon bois,
  66. Qui s’envola en fumée devant les baisers
  67. D’amoureux transis qui, comme moi,
  68. N’avaient jamais demandé… qu’à aimer.



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