PARIS 2 - Paul Borel (Lyon, 1828 - Oullins, 1913) Ange - Galerie Michel Descours
Paul Borel - Ange - Galerie Michel Descours |
Ange
Pierre noire et rehauts de craie blanche
95,5 x 66 cm
Galerie Michel Descours
Huysmans est l’un des rares auteurs à avoir donné un écho à ses travaux au-delà des frontières lyonnaises, en l’évoquant dans son roman La Cathédrale (1898) : « un artiste inconnu vivant en province et n’exposant jamais à Paris, Paul Borel, peignait des tableaux pour les Églises et pour les cloîtres, travaillait pour la gloire de Dieu, ne voulant accepter, des prêtres et des moines, aucun salaire. Au premier abord, ses panneaux n’étaient ni juvéniles, ni prévenants ; les locutions dont il usait eussent fait quelquefois sourire les gens épris de modernisme ; puis il convenait, pour bien juger son œuvre, d’en écarter résolument une partie et de ne conserver que celle qui s’exonérait des formules par trop éventées d’une onction connue, et alors quel souffle de mâle zèle, d’ardente dévotion, la soulevait, celle-là2 ! »
Les deux œuvres que nous présentons sont des cartons préparatoires pour le décor de la chapelle Saint-Thomas-d’Aquin à Oullins. Sa construction est confiée à Pierre Bossan, architecte éclectique, impressionné par son séjour en Sicile et par l’architecture de style byzantin, sensible dans le projet de la chapelle d’Oullins puis dans son œuvre principale, Notre-Dame de Fourvière. Il se convertit au catholicisme après sa rencontre avec le curé d’Ars en 1852. Ami de Paul Borel, tous deux supervisent les travaux de construction de la chapelle, achevée en 1861. Si, dès lors, le projet de décor peut prendre forme, il n’aboutit qu’en 1888. C’est donc un projet d’envergure, pour lequel Borel conçoit l’ensemble des décors peints, aujourd’hui considérés comme son grand œuvre. Ce décor est au cœur du parcours de Borel à plus d’un titre car il
porte un fort attachement personnel à l’école d’Oullins, où il a grandi, un lieu qu’il considère toujours comme son foyer et où il se rend chaque dimanche. Il en parle lui-même en ces termes : « Oullins est mon réfectoire spirituel et j’y prends des forces pour la semaine3. » Il finance personnellement tous les travaux, ce qui autorise ainsi une grande liberté tant à l’architecte qu’aux décorateurs. Les figures sculptées sont exécutées par Charles Dufraine et les ornements peints par Jacobé Razuret, également présents sur le chantier de la basilique d’Ars-sur-Formans, tandis que Thomas-Joseph Armand-Caillat, l’important orfèvre lyonnais, réalise le mobilier liturgique.
Les figures en buste, insérées dans des médaillons, de six anges pèlerins prennent place sur le flanc droit de la chapelle conçue sur un plan basilical (ill. 1). Ils scandent les cinq travées de la nef et le transept. Placés sous l’arc brisé, ils surmontent les cinq scènes historiées du mur nord, dont le programme a pour motif le mystère de l’Eucharistie, source de force qui accompagne le fidèle tout au long de sa vie. Ainsi les anges gardiens, qui portent pour attribut le bourdon de pèlerin, ont pour vocation de l’accompagner dans
ill. 1. Vue de l’intérieur de la chapelle Saint-Thomas- d’Aquin à Oullins prise depuis la tribune, héliogravure reproduite in Félix Thiollier, L’OEuvre de Pierre Bossan, architecte (...), Saint-Étienne, Éleuthère Brassard, 1891, pl. 10. ce cheminement spirituel. Sur le mur sud, les peintures murales développent un cycle de guérisons évangéliques, également surmontées de médaillons ornés d’anges gardiens.
À la fin de sa vie, avec une grande humilité, Borel déplore la qualité de son métier, de l’exécution de ses peintures4. Il préfère souvent ses cartons ou ses croquis à ses peintures achevées, comme le souligne Félix Thiollier, ami de longue date avec qui, dans sa jeunesse, il a visité les Flandres et la Hollande accompagné du peintre Joseph Trévoux5. En effet, les deux anges pèlerins d’Oullins, d’une grande force expressive, n’ont pas à souffrir de la comparaison avec les peintures murales de la chapelle de Saint-Thomas-d’Aquin, et sont investis de la même ferveur.
En 1892, pour le décor de la chapelle des Augustines de Versailles, dont Mme de Rayssac a formulé le vœu par testament, Borel remploie le motif de l’ange tourné vers la droite6.
Marianne Paunet
1. Élisabeth Hardouin-Fugier in Les Peintres de l’âme. Art lyonnais du XIXe siècle, cat. exp., Lyon, musée des Beaux-Arts, 1981, p. 99.
2. Joris-Karl Huysmans, La Cathédrale, Paris, Plon, 1915, p. 379-380. Voir le commentaire de Patrice Béghain, Une histoire de la peinture à Lyon, Lyon, Stéphane Bachès, 2011, p. 232.
3. Lettre de Paul Borel à J.-B. Mouton, 1849, citée in Thiollier, 1913, op. cit., p. 38.
4. Lettre de Paul Borel à Marcel Roux, 24 novembre 1910, citée in Thiollier, 1913, op. cit., p. 73 : « Tout n’est donc pas dans le métier. Et cependant, il faut en avoir. Moi, qui suis très mauvais ouvrier, je m’en aperçois de plus en plus. On cite d’Ingres, le mot suivant : ‘Il faut mépriser le métier, mais quand vous trouverez à en acheter pour deux sous, ne manquez pas de l’acheter’. »
5. Thiollier, 1913, op. cit., p. 6. 6. Ibid., p. 55 et pl. BB.
Historique
Lyon, collection Etienne Grafe.
Dès lors que ce fils de négociants lyonnais devient orphelin, à l’âge de dix ans, sa vie d’art et de dévotion est toute tracée : dans le pensionnat d’Oullins, où ses grands-parents paternels le placent avec son frère en 1838, il trouvera une maison, une famille et une vocation. L’éducation dispensée par le charismatique abbé Lacuria, émule et divulgateur de la théologie et de l’esthétique de Lamennais, marque profondément les élèves qui formeront un petit cercle partagé entre foi et exercice de l’art. Parmi eux plusieurs seront prêtres, tels les frères Captier et Louis Mouton, dont Borel épousera la soeur, Adèle, après avoir lui-même hésité entre l’état ecclésiastique et la vocation artistique1. Même si l’art s’impose à lui, il ne cherche pas pour autant à suivre un parcours académique ; il se choisit des maîtres en Ingres (brièvement), Hippolyte Flandrin, et surtout Louis Janmot, avec lequel il se lie d’une profonde amitié. Deux ans après la mort prématurée de sa femme, Borel reçoit, en 1860, un héritage qui le met à l’abri du besoin et lui permet de s’adonner à l’art sans se soucier de se procurer des commandes. Indifférent même à toute recherche de succès et de renommée, celui qui qualifie sa position d’artiste de « sacerdotale » réserve son talent et ses libéralités aux institutions qui lui sont chères. À l’école d’Oullins tout d’abord, désormais administrée par les dominicains, il offre une chapelle, commandée à l’architecte Bossan, et dont il va réaliser le décor durant plus de vingt années. Celui de l’église d’Ars-sur-Formans, consécutif à la rencontre du peintre avec Jean-Marie Vianney, curé d’Ars, est l’autre de ses grands travaux. Huysmans est l’un des rares auteurs à avoir donné un écho à ses travaux au-delà des frontières lyonnaises, en l’évoquant dans son roman La Cathédrale (1898) : « un artiste inconnu vivant en province et n’exposant jamais à Paris, Paul Borel, peignait des tableaux pour les Églises et pour les cloîtres, travaillait pour la gloire de Dieu, ne voulant accepter, des prêtres et des moines, aucun salaire. Au premier abord, ses panneaux n’étaient ni juvéniles, ni prévenants ; les locutions dont il usait eussent fait quelquefois sourire les gens épris de modernisme ; puis il convenait, pour bien juger son œuvre, d’en écarter résolument une partie et de ne conserver que celle qui s’exonérait des formules par trop éventées d’une onction connue, et alors quel souffle de mâle zèle, d’ardente dévotion, la soulevait, celle-là2 ! »
Les deux œuvres que nous présentons sont des cartons préparatoires pour le décor de la chapelle Saint-Thomas-d’Aquin à Oullins. Sa construction est confiée à Pierre Bossan, architecte éclectique, impressionné par son séjour en Sicile et par l’architecture de style byzantin, sensible dans le projet de la chapelle d’Oullins puis dans son œuvre principale, Notre-Dame de Fourvière. Il se convertit au catholicisme après sa rencontre avec le curé d’Ars en 1852. Ami de Paul Borel, tous deux supervisent les travaux de construction de la chapelle, achevée en 1861. Si, dès lors, le projet de décor peut prendre forme, il n’aboutit qu’en 1888. C’est donc un projet d’envergure, pour lequel Borel conçoit l’ensemble des décors peints, aujourd’hui considérés comme son grand œuvre. Ce décor est au cœur du parcours de Borel à plus d’un titre car il
porte un fort attachement personnel à l’école d’Oullins, où il a grandi, un lieu qu’il considère toujours comme son foyer et où il se rend chaque dimanche. Il en parle lui-même en ces termes : « Oullins est mon réfectoire spirituel et j’y prends des forces pour la semaine3. » Il finance personnellement tous les travaux, ce qui autorise ainsi une grande liberté tant à l’architecte qu’aux décorateurs. Les figures sculptées sont exécutées par Charles Dufraine et les ornements peints par Jacobé Razuret, également présents sur le chantier de la basilique d’Ars-sur-Formans, tandis que Thomas-Joseph Armand-Caillat, l’important orfèvre lyonnais, réalise le mobilier liturgique.
Les figures en buste, insérées dans des médaillons, de six anges pèlerins prennent place sur le flanc droit de la chapelle conçue sur un plan basilical (ill. 1). Ils scandent les cinq travées de la nef et le transept. Placés sous l’arc brisé, ils surmontent les cinq scènes historiées du mur nord, dont le programme a pour motif le mystère de l’Eucharistie, source de force qui accompagne le fidèle tout au long de sa vie. Ainsi les anges gardiens, qui portent pour attribut le bourdon de pèlerin, ont pour vocation de l’accompagner dans
ill. 1. Vue de l’intérieur de la chapelle Saint-Thomas- d’Aquin à Oullins prise depuis la tribune, héliogravure reproduite in Félix Thiollier, L’OEuvre de Pierre Bossan, architecte (...), Saint-Étienne, Éleuthère Brassard, 1891, pl. 10. ce cheminement spirituel. Sur le mur sud, les peintures murales développent un cycle de guérisons évangéliques, également surmontées de médaillons ornés d’anges gardiens.
À la fin de sa vie, avec une grande humilité, Borel déplore la qualité de son métier, de l’exécution de ses peintures4. Il préfère souvent ses cartons ou ses croquis à ses peintures achevées, comme le souligne Félix Thiollier, ami de longue date avec qui, dans sa jeunesse, il a visité les Flandres et la Hollande accompagné du peintre Joseph Trévoux5. En effet, les deux anges pèlerins d’Oullins, d’une grande force expressive, n’ont pas à souffrir de la comparaison avec les peintures murales de la chapelle de Saint-Thomas-d’Aquin, et sont investis de la même ferveur.
En 1892, pour le décor de la chapelle des Augustines de Versailles, dont Mme de Rayssac a formulé le vœu par testament, Borel remploie le motif de l’ange tourné vers la droite6.
Marianne Paunet
1. Élisabeth Hardouin-Fugier in Les Peintres de l’âme. Art lyonnais du XIXe siècle, cat. exp., Lyon, musée des Beaux-Arts, 1981, p. 99.
2. Joris-Karl Huysmans, La Cathédrale, Paris, Plon, 1915, p. 379-380. Voir le commentaire de Patrice Béghain, Une histoire de la peinture à Lyon, Lyon, Stéphane Bachès, 2011, p. 232.
3. Lettre de Paul Borel à J.-B. Mouton, 1849, citée in Thiollier, 1913, op. cit., p. 38.
4. Lettre de Paul Borel à Marcel Roux, 24 novembre 1910, citée in Thiollier, 1913, op. cit., p. 73 : « Tout n’est donc pas dans le métier. Et cependant, il faut en avoir. Moi, qui suis très mauvais ouvrier, je m’en aperçois de plus en plus. On cite d’Ingres, le mot suivant : ‘Il faut mépriser le métier, mais quand vous trouverez à en acheter pour deux sous, ne manquez pas de l’acheter’. »
5. Thiollier, 1913, op. cit., p. 6. 6. Ibid., p. 55 et pl. BB.
Galerie Michel Descours
En 2019, Michel Descours s'est installé à Paris et a ouvert un espace au 10, rue de Louvois, dans le 2e arrondissement, au coeur de la capitale artistique. C'est désormais l'adresse de la galerie où, avec la collaboration de Sarah Avenel-Tafani, il continue de présenter un goût et un regard qui se porte sur toutes les écoles, tout en attachant toujours une grande importance à l'école lyonnaise.
En 2019, Michel Descours s'est installé à Paris et a ouvert un espace au 10, rue de Louvois, dans le 2e arrondissement, au coeur de la capitale artistique. C'est désormais l'adresse de la galerie où, avec la collaboration de Sarah Avenel-Tafani, il continue de présenter un goût et un regard qui se porte sur toutes les écoles, tout en attachant toujours une grande importance à l'école lyonnaise.
Extrait/Source https://www.peintures-descours.fr/galerie/presentation
La galerie Michel Descours défend l’œuvre de l’artiste CoBrA Jean Raine (1927-1986) en organisant régulièrement des expositions, en participant à des foires et en éditant des catalogues.
La galerie travaille en étroite collaboration avec la famille.
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